Discours prononcé à la tribune de l'Assemblée nationale dans le cadre du vote de ma proposition de
résolution visant à lancer le débat sur le #RevenuUniversel le 26 nov. 2020
Monsieur le Président, Mes chers collègues,
Le temps du revenu universel est-il venu ? Comme un nombre grandissant de Français mais aussi de parlementaires, j’en suis intimement convaincue. C’est pourquoi je suis devant notre Assemblée, pour, avec vous, inviter le gouvernement à lancer un grand débat public sur la création d’un mécanisme de revenu universel dans notre pays.
Le revenu universel, c’est cette vieille idée formulée en 1795 par Thomas Paine, ce britannique épris de révolution, qui siégea sur les bancs de notre assemblée nationale. Pour lui, garantir à tous un revenu de base pour échapper à la pauvreté, n’était, ni une charité, ni une assistance : c’était un droit, qu’il souhaitait inscrire dans la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Un droit qui, en émancipant de la pauvreté, permettrait à chacun d’exercer, effectivement et pleinement, ses libertés de citoyen et d’entreprendre sa vie d’homme ou de femme.
Finlande, Allemagne, Espagne, Argentine, Japon, Canada, Malaisie, Pérou, inde, Tunisie, en Europe et aux quatre coins du monde, de nombreux pays s’apprêtent à lancer ou expérimenter des mécanismes de revenu universel. Jusqu’au Pape qui appelle à sa création.
En Europe, une initiative citoyenne européenne a été lancée pour interpeller la Commission Européenne pour faire de l’UE un espace libéré de la pauvreté car nous le savons, nous les démocrates, les libéraux et les progressistes, ils sont nombreux les ennemis de la démocratie, ceux dont la santé politique se nourrit des crises sociales, ceux qui, toujours plus nombreux, n’attendent qu’une chose, l’échec de notre promesse de lier indéfectiblement liberté et prospérité.
Alors que s’est-il passé pour que des Etats aussi différents, en arrivent à une conclusion similaire ?
Que s’est-il passé pour que le revenu universel, cette utopie du monde d’avant, deviennent une solution du monde d’après ?
Ce qu’il s’est passé, bien sûr, c’est le basculement du monde dans une crise à laquelle nous n’étions pas préparés. En France, l’épidémie de la COVID a révélé à quel point notre protection sociale était, en réalité, une couverture pleine de trous. A quel point, notre modèle social, pourtant si généreux, pouvait se montrer injuste. Etudiants, artisans, commerçants, indépendants ou ménages modestes, du fait de l’arrêt de l’activité ou de leur régime non-salarié, ils sont retrouvés parfois sans rien ou avec trop peu pour vivre. Fond de solidarité et aides de l’État ont permis dans l’urgence d’éviter le pire. Mais ce ne peut être une solution de long terme, une solution pérenne qui donne une perspective d’avenir à chaque Français, sans exception ni exclusion.
Notre système est à bout de souffle, c’est la 1ère leçon de la crise que nous vivons. De nouveaux mécanismes de protection doivent être inventés et mis en place, de l’ampleur de ceux que nous avons créés avec la Sécurité Sociale en 1945, pour reconstruire notre pays et notre cohésion nationale.
En novembre 2020, 10 millions de Français vivent dans la pauvreté, un chiffre en augmentation. C’est une certitude, dans les mois à venir, avec la crise de la COVID, notre pays va faire face à un véritable choc de pauvreté qui touche désormais tous les Français. Car la pauvreté est bel et bien devenue un risque global, et c’est pourquoi, il nous faut une réponse universelle.
Cette protection, ce filet de sécurité a un nom : c’est le revenu universel. Une idée portée historiquement par deux grandes familles politiques, libérale et socialiste.
Et à ce moment de mon exposé, je veux souligner le travail et l’engagement de ces deux familles pour permettre que le revenu universel fasse son retour dans notre hémicycle :
Je veux d’abord saluer mes collègues socialistes et notamment Régis Juanico, signataire de cette proposition de résolution. En 2018, le groupe socialiste a déposé une proposition de loi visant à expérimenter le revenu universel, et si je ne partage pas le mécanisme proposé à l’époque par celle-ci, j’en partage plus que jamais le but.
Je veux ensuite saluer mes collègues libéraux, singulièrement ceux du groupe AGIR Ensemble, et son président Olivier Becht, qui porte ce texte à l’ambition sociale inédite. Saluer aussi l’équipe du Think tank Génération Libre dont le travail a inspiré le socle citoyen, le mécanisme de revenu universel que je défends.
Je veux enfin remercier tous les signataires de cette PPR, issus de 6 groupes au sein de cette assemblée : Cette PPR n’est pas une aventure personnelle, c’est le fruit d’un long travail collectif et transpartisan qui honore je le crois notre mandat parlementaire.
Mais revenons à présent au texte de cette proposition de résolution.
Sur le revenu universel, il y a des plombiers et des poètes, les deux sont utiles, et le débat que demande cette résolution permettra de confronter tous les genres de poésie et toutes les techniques de tuyauterie. Pour ma part, je suis plutôt du côté des plombiers ! Ce qui m’importe, c’est de mettre au point un mécanisme efficace pour lutter contre les inégalités, soutenable sur le plan budgétaire et simple d’utilisation pour les Français. Le Socle Citoyen est la version inédite et réaliste du revenu universel que je propose avec les parlementaires de la majorité.
Le socle citoyen c’est avant tout un mécanisme de solidarité fiscale et sociale, je dirais même plus, une reforme qui utilise le levier fiscal pour accomplir un progrès social historique.
Nous proposons d’abord mettre en place l’impôt universel sur le revenu. Chacun paie l’impôt sur le revenu dès le 1er euro gagné. Ensuite, chaque Français se voit appliquer la même règle de calcul : à son montant d’impôt, on ajoute le montant du socle citoyen ainsi qu’un certain nombre d’aides sociales relatives au logement, à la fragilité et à la famille. Si le résultat de cette opération, est positif, vous payez aux impôts le montant. Si en revanche il est négatif, ce sont les finances publiques qui vous versent un montant vous assurant de ressources au moins égales au montant du socle citoyen. C’est le principe bien connu de « l’impôt négatif ».
Avec ce mécanisme, rendu techniquement réalisable par le prélèvement à source, il devient possible de calculer et verser automatiquement, et au plus près de l’évolution des revenus, un revenu universel. Celui-ci se déclencherait automatiquement, et permettrait par exemple de répondre en quelques jours seulement à une chute soudaine de l’activité ou des revenus, que celle-ci soit due à une épidémie, à une catastrophe naturelle, à un attentat ou encore à choc économique brutal. Dans une société de tous les risques, sanitaire, économique, climatique et sécuritaire, le socle citoyen est un mécanisme qui donne aux Français la confiance et les moyens suffisants pour continuer d’entreprendre leur vie.
Le socle citoyen est un mécanisme d’éradication de la grande pauvreté, il est aussi une assurance contre le risque de pauvreté qui permet à chacun de s’émanciper et de s’engager activement dans la société. Il met fin à des inégalités anciennes notamment pour les plus jeunes, les femmes, les indépendants et les ménages modestes.
Le socle citoyen est un mécanisme d’adaptation aux mutations du monde du travail et notamment à la montée du travail indépendant. Il permet de rebondir, de prendre des risques, d’entreprendre, de se former, d’agir pour la société, sans la peur pour soi et sa famille qui paralysent l’action.
Le socle citoyen est un mécanisme d’intégration et de simplification de notre système d’aides sociales. Celui-ci, du fait de sa complexité, est devenu trop couteux, injuste et discriminatoire. Avec le socle citoyen, les prestations sociales actuelles seront fusionnées et intégrées dans un seul calcul et versement automatiques via la feuille d’impôt désormais universelle.
Voilà donc ce qu’est le socle citoyen, et voici à présent, ce qu’il n’est pas :
Le socle citoyen ce n’est pas de l’assistanat : Sur ce point je veux rappeler qu’il y a un an, la française Esther Duflo était récompensée par un Nobel d’économie pour ses travaux démontrant qu’investir y compris monétairement dans individus, les rendaient au contraire plus actifs et entreprenants. Des travaux qui invalident nombre de nos préjugés sur les liens entre aide sociale et activité. Je veux rappeler aussi que le but du RU n’est pas de changer la nature humaine mais d’assurer la liberté et la dignité humaines.
Le socle citoyen ce n’est pas non plus une destruction de la valeur travail, au contraire c’est une construction de la valeur activité : parce qu’il faut être libéré de la pauvreté, et la peur de celle-ci pour s’engager activement dans la société : que ce soit par le travail mais aussi le bénévolat ou toute autre forme d’activité créant de la richesse économique, sociale et écologique. Le socle citoyen n’est pas comme le RUA, une mesure de lutte contre le chômage, je le redis, il s’agit, pour reprendre les mots du Président de la République, de libérer chacun de la pauvreté afin de bâtir une société de citoyens libres ET solidaires,
Le socle citoyen ce n’est pas un simple versement monétaire, c’est un investissement dans l’individu. Un changement de philosophie qui doit s’accompagner de la création d’un véritable service public de l’activité pour accompagner chacun dans une société, où la notion et les règles de l’activité ont changé.
Enfin, le socle citoyen ce n’est pas impossible à financer : selon la modulation du taux d’imposition de l’IR, cette réforme coûte de 0 à 20 Milliards/an, sans compter les économies de meilleure gestion réalisées et qui se chiffrent en millions.
Pour conclure, mes chers collègues, le socle citoyen est une mesure profondément républicaine pour ne pas dire révolutionnaire :
· C’est une mesure de liberté qui vise l’émancipation de chacun de la pauvreté,
· C’est une mesure d’égalité qui réparent des injustices entre les Français qui n’ont que trop durer,
· Et c’est une mesure de fraternité qui par son caractère universel soude notre communauté nationale,
Le revenu universel n’est ni de droite ni de gauche, il est du côté de ceux qui croient en l’Homme, de ceux qui sont attachés à notre modèle social et républicain. Il est du côté de ceux qui auront l’audace et le courage de faire une réforme historique, celle dont le XXIème siècle a besoin et dont les générations à venir se souviendront parce qu’elle aura contribué à rebâtir une France meilleure : une France libre, une France solidaire, une France qui regarde avec force et confiance vers l’avenir.
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